Il était une Forêt…

Parmi les nombreuses conséquences, certaines pas toujours agréables du confinement, une est toutefois très intéressante : bon nombre de personnes ont renoué avec les arbres et notamment avec les forêts, ayant pris conscience de leur importance et de leur valeur refuge.

Cette prise de conscience fait notre plus grand bonheur, et celui d’un biologiste, botaniste et artiste réputé dont nous avons envie de parler aujourd’hui : il s’agit de Françis Hallé (vous noterez que le dessin illustrant cet article est de lui...). Aujourd’hui âgé de 83 ans, il a une longue vie d’amour avec les arbres, la forêt, le règne végétal dans son ensemble :

- Il est, entre autres, précurseur de « l’architecture des plantes », une approche graphique qui décrit le mode de croissance de la plante et qui se base sur le fait que cet être vivant, profondément original, donne accès à son essence même par sa forme externe.

- Il a également impulsé la mise au point d’un dispositif d’étude original de la canopée des forêts tropicales qui porte le doux nom poétique de radeau des cimes.

- Et il a lancé récemment, avec son association (voir référence en fin d’article), un appel pour faire renaître, au cœur de l’Europe, une forêt « primaire ». On appelle « primaire » une forêt indemne de toute activité humaine, donc vierge, ni exploitée, ni défrichée par l’homme.

Il faut savoir que, chaque année, 15 millions d’hectares de forêts tropicales primaires, soit la superficie de l’Angleterre, sont déboisés.

Dans ce contexte actuel de dégradation dramatique de la biodiversité de la planète, un tel projet est évidemment, à son échelle propre, un enjeu d’intérêt général majeur, et un défi immense : celui de contribuer à « réparer le monde ».

Mais au-delà de sa casquette scientifique c’est la dimension poétique et artiste de Françis Hallé qui nous émeut énormément et qui peut toucher des cordes sensibles au plus profond de chacun d’entre nous.

Ainsi, pour le citer, il dit vouloir « se libérer du règne de la mesure et renouer avec la sensibilité ». Lui qui a passé de longues années à étudier les forêts tropicales, et qui, en plus, les dessine, il a une conviction que nous partageons : « Cultiver une relation intime avec le milieu naturel est essentiel. On ne défend bien que ce que l’on a appris à aimer. L’attention aux êtres vivants se pratique, l’émerveillement est un art qui s’aiguise ».

En effet, dans nos sociétés urbaines stressées, beaucoup ont oublié, voire ne connaissent carrément pas, la beauté d’une vraie forêt (on ne parle pas du Bois de Boulogne bien sûr, ni même des forêts de certaines régions de France, balisées de sentiers touristiques submergés de monde...).

Françis Hallé nous le rappelle « Il y a chez les arbres, dans leur rapport au temps, quelque chose de fabuleux... un arbre qui a trois milles ans contient dans sa durée de vie toute la civilisation gréco-romaine !... ». De quoi réfléchir sur nos petites velléités quotidiennes...! Nous dévoilant ses expériences, il nous confirme aussi que l’on peut puiser dans la forêt, un sentiment de paix et de liberté « Grâce aux arbres, j’ai appris à voir le monde différemment. Quand je grimpe sur l’un d’entre eux et que je me perche à sa cime, l’horizon me semble plus vaste, je vois plus loin, je respire ».

Sans oublier le pouvoir des sens, tous sollicités en forêt :

. la vue : contempler la beauté inouïe

. l’odorat : flairer l’odeur des troncs, des feuilles, des fleurs, des épines.. une palette extraordinaire évoquant expériences diverses et souvenirs

. le goût : goûter les sèves, fluides de vie qui s’écoulent

. le toucher : sentir la rugosité d’une écorce ou le piquant de certaines feuilles

. et enfin l’ouïe, car oui les arbres font du bruit : plaquer ses oreilles contre un tronc et écouter ce qu’il veut raconter !

Marcher en forêt est une expérience multi sensorielle qui nous plonge dans l’intemporel, l’essence même du monde. Et la forêt n’est-elle pas le refuge des âmes errantes ? L’expression « prendre le maquis » n’est pas née par hasard...

Une autre personnalité, non moins réputée, l’écrivain voyageur Sylvain Tesson décrit lui l’arbre comme un « voyageur immobile ». Un bel oxymore qui dit justement l’immense pouvoir des arbres : vivre ancré tout en s’élançant continuellement vers le ciel !

Ces passionnés de nature et de vivant ont une conviction que nous partageons : il serait vraiment temps de ré-enseigner à nos enfants, dès le plus jeune âge, l’amour des arbres ! Selon une récente étude américaine, les enfants aux Etats Unis connaissent des centaines de logos de marque...mais pas un seul nom d’arbre !

Si cet article a fait vibrer quelque chose dans vos racines, voici quelques pistes pour cheminer de branches en branches jusqu’au cœur de la forêt et aller plus loin :

·      L’association de Françis Hallé pour découvrir, voire soutenir : https://www.foretprimaire-francishalle.org/

. Pour avoir espoir en l’avenir, une déclaration du droit de l’arbre fait désormais partie de notre histoire depuis le 5 avril 2O19 ! A découvrir sur :

https://www.arbres.org/declaration-des-droits-de-l-arbre.htm

·      Côté livre :  

  • Par la force des arbres – Edouard Cortès – Edition des équateurs

Après un coup de tonnerre du destin, Édouard Cortès choisit de se réfugier au sommet d’un chêne, de prendre de la hauteur sur sa vie eet notre époque effrénée.

  • Dans la forêt – Jean Hegland – Editions Gallmeister

Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, vivent depuis toujours dans leur maison familiale, au cœur de la forêt. Quand la civilisation s'effondre et que leurs parents disparaissent, elles demeurent seules, bien décidées à survivre...

  • Dans les forêts de Sibérie - Sylvain Tesson - Editions Folio

Un récit autobiographique de l’auteur. Retrouver l'essentiel. La réelle notion du temps. C'est l'aventure que Sylvain Tesson propose à travers le journal de bord de ces 6 mois passés au bout du monde, sur les rives du lac Baïkal, dans une cabane en bois à plusieurs jours de marche du premier voisin.

  • Être un chêne - Laurent Tillon - Editions Actes Sud

Magnifique essai de ce biologiste et ingénieur forestier, racontant la grande histoire avec un entrelacement de mille petites histoires liées à “son arbre”, un grand chêne (Quercus) de 240 ans.

·      Côté numérique

Accro à Netflix, saviez-vous que binge-watcher (ou visionner de manière boulimique) toutes les saisons de Breaking Bad revenait à conduire 175km et à rejeter 21kg de CO2 ?

Fort de ce constat une jeune startup Berlinoise avait créé en 2020 Plantyfix, une application qui nous proposait de planter des arbres pour chaque heure passée devant nos écrans. Même si cette appli est devenue désormais Treeferral, et ne joue plus vraiment sur cette idée maline, c’est bon de se rappeler l’impact de nos plaisirs numériques. Selon les envies et les convictions de nombreuses initiatives existent. Parmi elles :

- L’application Forest qui joue aussi sur nos addictions aux écrans. Son fonctionnement est original et simple, moins on va consulter son téléphone plus on va contribuer à faire pousser un arbre. il suffit de démarrer l’application , de planter une graine virtuelle. L’appli déclenche un chronomètre et votre graine se développe jusqu’à devenir un arbre, et ce tant que vous ne touchez pas votre téléphone. Si vous quittez l’application Forest pour consulter vos messages ou vous rendre sur Facebook ou Instagram, la sanction est sans appel : votre arbre meurt !

- Le moteur de recherche Ecosia, éco responsable qui permet d'aider à lutter contre la déforestation en plantant un arbre toutes les 45 recherches effectuées par les internautes.

- La toute nouvelle application de messagerie instantanée française Treebal : elle nous vient de Bretagne, est développée en intégrant la dimension environnementale et s’engage dans la reforestation de la planète.

 

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Et si on « phosphorait » ?